Pourquoi le Vendredi Saint mène à la joie pascale

Que peut signifier, pour notre époque, la dernière semaine de la vie de Jésus, telle que décrite dans l’Évangile ? « Le chemin que le Christ a parcouru entre le Dimanche des Rameaux et Pâques, en passant par le Vendredi Saint, nous invite à la méditation », écrit l’abbé Urbain Muswil. « C’est le miroir de nos vies qui fluctuent. »

Entre les belles paroles d’accueil du Dimanche des Rameaux, « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur » (Lc 19, 38) et la nouvelle de la résurrection, « Il n’est pas ici, il est ressuscité » (Lc 24, 6), il y a ces paroles intermédiaires du Vendredi Saint : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » (Lc 23, 21).

En effet, le public, influent et majoritaire, a eu raison de l’autorité établie. Il l’a contrainte, d’une part, à prononcer la peine de mort d’un innocent et, d’autre part, à prononcer l’amnistie général envers un criminel. « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Mais, chez vous, c’est la coutume que je vous relâche quelqu’un pour la Pâque : voulez-vous donc que je vous relâche le roi des Juifs ?’ Alors ils répliquèrent en criant : ‘Pas lui ! Mais Barabbas !’ Or ce Barabbas était un bandit » (Jn 18, 38-40).

Nous voyons Pilate impuissant devant la clameur populaire, une sorte de démocratie de masses partisanes et radicalisées. Malgré l’innocence de l’accusé et la vérité de ses enseignements, la foule, extrémiste, réclame sa crucifixion. Cette situation cache et révèle en même temps l’attitude combien hostile de notre humanité devant certaines vérités bouleversantes. Pilate et ses administrés choisissent la coutume, la tradition au lieu de la vérité qui sauve, Jésus ; ils libèrent le banditisme incarné par Barabbas et crucifient la Vérité. Mais celle-ci, étant plus forte que le complot et toute la machination, survivra.

Le Calvaire de Pontchâteau (France), érigé par saint Louis-Marie Grignion de Montfort

Un chemin cahoteux
Cette situation nous montre en effet que Jésus nous fait cheminer entre la grande joie de sa naissance et la gloire de sa résurrection en passant par la passion, la condamnation et la croix. Le nouveau roi des juifs qui vient de naître sera le roi controversé, ignoré, ridiculisé, couronné d’épines et trônant du haut de sa croix. Il passe de l’humilité d’un serviteur à l’humiliation d’un inculpé, de l’accueil chaleureux aux portes de Jérusalem à la violence dans ses rues. Il passe de la vie d’un mortel à la Vie éternelle en passant par une mort violente.

Une telle évolution non linéaire de la vie de Jésus appelle à la méditation. Elle est le miroir de nos vies qui fluctuent. Nous passons d’une joie à une autre, parfois d’une réussite à de profondes tristesses ; il nous arrive de passer à la compréhension au bout d’un certain conflit, une certaine rupture ; nous traversons des époques où nous connaissons le meilleur et le pire, la maladie et la guérison. Dans la vie chrétienne, le chemin vers la joie éternelle passe par la vie quotidienne faite de petites croix, de petites passions, de petites et grandes déceptions.

Des foules fanatiques
Lors d’une séance de catéchèse avec les 11-13 ans, après avoir vu une séquence de la passion de Jésus, les jeunes catéchisés faisaient remarquer que la passion de Jésus était, selon eux, aggravée par trois faits : d’abord le public qui criait contre lui et réclamait sa condamnation ; puis le fait que Jésus portait lui-même le bois, l’instrument de sa crucifixion ; enfin, au lieu d’apaiser sa peine et sa soif, ses bourreaux lui donnaient du vinaigre et le couronnaient d’épines.

Cette remarque pertinente des jeunes fait penser au malheur que tant de personnes vivent par rapport à leurs proches. Au départ, elles se révèlent hospitalières et finalement elles deviennent violentes, agressives. Elles passent immédiatement du Dimanche des Rameaux au Vendredi Saint.

Il arrive que, d’abord chaleureusement accueillies, elles soient ensuite brutalement rejetées, abandonnées, c’est ce qui arrive. Au lieu d’offrir une aide ou montrer de la compréhension, dans notre société soi-disant hospitalière, beaucoup de fanatiques enfoncent les autres dans la misère. Ils les poussent à se renier, à divorcer, à apostasier, à
trahir ou à se venger.

Un appel pour tous les temps
Célébrer la Pâque du Christ aujourd’hui c’est exalter la victoire de la Vérité ; c’est faire de la croix un instrument significatif. En effet, après sa passion et ses souffrances endurées pour nous les hommes, après sa mort sur la croix, sa descente au séjour des morts, le Christ est sorti vivant, plein de gloire et d’honneur. Cette nouvelle continue à faire son chemin plus de 2000 ans après. La joie du chrétien est de se reconnaître aussi vainqueur de toutes les peines, les souffrances et les humiliations de ce monde.

Du Dimanche des Rameaux au Dimanche de Pâques, Jésus-Christ, l’innocent condamné triomphe de la mort et devient Seigneur et Roi. N’est-ce pas là un appel pour tous les temps, plus encore en ces années Covid et ces menaces de guerre ? Ne baissez donc pas les bras dans votre lutte, regardez le Christ en croix, mettez-vous à sa suite et avec lui vous vivrez.

Abbé Urbain Muswil
image: Llann Wé (Wikimedia Commons)