Catholiques déroutés

Le rappel de la vocation du chrétien qui découle de son baptême déroute certains fidèles : on attend d’eux un témoignage courageux dans la pratique du dialogue avec ceux qu’ils rencontrent dans le monde. Ils sont perdus quand il s’agit de parler avec des gens qui ne font pas partie de leur cercle d’amis. Il leur semble que ceux qui ne partagent pas leurs convictions sont de plus en plus nombreux. 

La Belgique a en effet beaucoup changé depuis 30 ans. Parmi les 10.000.000 d’habitants de l’époque, 8.700.000 se disaient catholiques, soit 87%. Notre pays est de tradition catholique. En Flandre notamment le catholicisme est lié au sentiment national flamand. Chez nous, les institutions catholiques sont visibles et importantes : églises, écoles, universités, cliniques, syndicats et mutuelles. Elles sont de véritables piliers de la vie sociale. L’État finance les activités de l’Église, rétribue le clergé et subventionne les écoles. 

Le Concile Vatican II appelait à un renouveau et à l’ouverture au monde. Des excès ont décrié les institutions et troublé les esprits. En Wallonie, la laïcité a été active. Il y a 30 ans, il y avait en Belgique 100.000 musulmans (1 %), 125.000 protestants (1,25 %) ; 35.000 juifs (0,3 %) et 1.000.000 d’habitants appartenaient à divers groupes religieux ou étaient sans religion. Ce nombre semble avoir augmenté. La « sécularisation » a rapidement progressé. 

Un monde sécularisé

La « sécularisation » est le fait de « séculariser », c’est à dire de « rendre au siècle », à la vie du monde, quelqu’un qui vivait hors de monde dans le cloître selon une règle : il était donc « régulier ». Ce langage a cours dans le monde religieux pour parler par exemple d’un moine-prêtre qui quitte son ordre pour entrer dans le clergé diocésain : il devient prêtre « séculier » c’est à dire en contact avec le monde. Un objet dit « sacré » qui sert dans le culte est sécularisé quand, en dehors du culte, il sert d’élément profane décoratif. 

Qu’en est-il de la sécularisation de la société ? Depuis les années 1960, plusieurs choses sont intervenues : la perte d’emprise des Églises sur la société, une crise de crédibilité, un repli social du religieux, la privatisation de la foi. La foi religieuse a subi une mutation : la religion d’aujourd’hui se nourrit de souvenirs de la tradition chrétienne pour constituer sa religion personnelle. La sécularisation est dès lors le passage d’un christianisme régulé par une autorité d’Église à un christianisme sans règle.  

Voilà de quoi surprendre les chrétiens qui se soucient d’entrer en dialogue au nom de leur foi avec le monde qui les entoure. 

Une foi immature ? 

Ceux qui participent à la vie de l’Église et qui prennent conscience de leur vocation missionnaire estiment ne pas avoir la formation nécessaire ni même la foi suffisante. Pour eux la tentation est grande de se replier en communautés homogènes ou de se diluer dans la masse.  

De quelle formation ont-ils bénéficié ? Ils ont pu avoir des cours de religion en primaire et en secondaire. Ils peuvent en avoir gardé le petit bagage que peut retenir un adolescent. Ils ont peut-être étudié les sciences religieuses dans une école normale catholique. Ils peuvent s’être inscrits en théologie dans une faculté universitaire comme le font de plus en plus de laïcs de nos jours. 

Les fidèles souhaitent que la messe dominicale leur donne de vivre une authentique expérience communautaire de foi. 

Beaucoup de chrétiens adultes ont reçu dans les branches profanes préparatoires à leur profession, une formation intense et en sont restés au stade de leur adolescence en matière religieuse. Ils ressentent le besoin de formation permanente en matière religieuse comme il en existe dans les sciences profanes qui ne cessent d’évoluer. La religion aussi évolue et les fidèles gagnent à mettre leurs connaissances religieuses à jour pour soutenir leur foi personnelle et leur donner confiance dans le dialogue avec les autres. 

Être Église pour les autres

Pour dialoguer, certains ont trouvé leur foi insuffisante. Ceci concerne la vie intérieure, la vie spirituelle. Dans les synthèses synodales on n’a guère parlé de l’aide spirituelle que l’Église peut apporter pour favoriser la croissance de la foi. Les questions posées concernaient l’organisation concrète de la vie de l’Église. Certaines réponses parlent malgré tout de l’aide qu’il y a lieu d’apporter à chacun à mener sa vie de chrétien. On souhaite des célébrations plus soignées, mieux préparées et mieux présidées. C’est dire combien ceux qui participent aux assemblées dominicales désirent y trouver de quoi nourrir leur foi et leur prière ; souhaitent que la messe dominicale leur donne de vivre une authentique expérience communautaire de foi. 

On demande beaucoup de choses à l’Église. N’oublions pas que chaque baptisé est l’Église pour les autres.

Beaucoup ont parlé de ce qu’ils attendent de l’Église : l’attention à chacun, le souci des malades, des aînés et des jeunes, l’aide aux pauvres. Ce dernier service est le mieux organisé et le plus efficace. Il est assuré par les conférences des saintVincent de Paul où s’activent de nombreux et généreux bénévoles. C’est un modèle dont pourraient s’inspirer d’autres services car le clergé seul, de plus en plus réduit, ne saurait faire face à tous les besoins. 

On demande beaucoup de choses à l’Église. N’oublions pas que chaque baptisé est l’Église pour les autres. Que peut attendre chaque fidèle de son Église et que peut attendre l’Église de lui ? Qu’est-ce que Dieu attend de son Église et qu’est-ce que Dieu attend de nous ? 

Abbé Auguste Reul 

(photo : Unsplash/Ben White)