Sommes-nous les maîtres de la terre ?

Inondations en Europe, sécheresse extrême dans le Sud : que se passe-t-il ? L’homme en est-il responsable ? Notre rapport à la création est-il toujours correct ? Nous l’avons demandé à Luc Vankrunkelsven, Bruxellois et vrai citoyen du monde, qui a fait de l’écologie son cheval de bataille.

Nous, les humains, avons toujours eu une relation compliquée avec la nature. Dans l’Ancien Testament, un monde peuplé de petits paysans, la création apparaît souvent comme une menace. Il suffit de penser aux catastrophes naturelles – les « fléaux », grâce
auxquels Yahvé libère les Israélites et aux aventures vécues lors de leur chemin vers la Terre Promise. Or, dans la Bible l’homme est intendant : Dieu lui commande de gérer la terre.
« On peut interpréter cette intendance de différentes manières », explique Luc Vankrunkelsven. « Le fait que nous devions prendre soin de l’environnement est un principe noble. Mais dans la pratique, la machine s’est emballée : si la tâche de l’homme était de gérer la terre, il lui est venu l’idée de contrôler la planète. Nous pensons que nous sommes les maîtres, alors qu’en réalité nous sommes nous-mêmes un rouage de cet écosystème. Nous ne connaissons plus notre place, avec toutes les conséquences désastreuses que cela implique. »

Un vieux rêve

Luc Vankrunkelsven est dans son élément quand il s’agit de l’environnement. Bien avant que la question du climat ne soit à l’ordre du jour des dirigeants mondiaux, il écrivait déjà des livres sur ce sujet. Pendant cinq ans, il a vécu alternativement en Belgique et au Brésil, où il a travaillé pour un syndicat qui unissait les fermes familiales.
« Adolescent, j’étais déjà fasciné par la population qu’on appelait les ‘Indiens’, les peuples autochtones d’Amérique du Sud », dit Luc. « À mes 18 ans, j’ai rejoint les Norbertins d’Averbode. Après tout, je savais qu’ils avaient une fondation au Brésil. Mais les choses se sont passées différemment : après mes études, l’Abbé m’a donné un emploi dans notre abbaye. »

Responsable de la maison de retraite d’Averbode, Luc en a profité pour aborder des sujets qui lui tenaient à coeur, comme l’agriculture équitable. C’est ainsi qu’est né, depuis trente ans déjà, Wervel, un mouvement qui s’est engagé pour une vision saine de l’alimentation. Mais en 2000, un vieux rêve est devenu réalité : avec l’approbation de l’Abbé, Luc fut autorisé à aller au Brésil pendant six mois.
« Avec l’aide d’un confrère, j’ai vite appris un peu de portugais, pour pouvoir me rendre plus ou moins compréhensible lors de mes pérégrinations dans cet immense pays », se souvient Luc.
« Dans la capitale Brasília, je me suis retrouvé en pleine manifestation de représentants d’environ 200 peuples indigènes – les ‘Indiens’ que j’admirais quand j’étais enfant – dans la rue pour dénoncer la discrimination : ce fut près de 500 ans après l’invasion des Portugais. C’était une expérience qui m’a vraiment touché. »

Soja brésilien et porcs belges

Cela ne s’est pas arrêté après un seul voyage au Brésil. Depuis lors, le norbertin motivé vit à Bruxelles et il est un conférencier recherché dans les universités et hautes-écoles brésiliennes. Ses livres ont été traduits en portugais. L’un de ses chevaux de bataille est le Cerrado. Cette région naturelle de savane boisée, environ 65 fois plus grande que la Belgique, est menacée par l’évolution de l’industrie du soja.

« À l’heure actuelle, près de la moitié du Cerrado a été défrichée », explique Luc. « Vous pouvez voir des champs de soja à perte de vue. Il en résulte une pénurie d’eau et une grave sécheresse. C’est une catastrophe pour la population locale. Et notre industrie alimentaire en est responsable. Tant que la demande de soja continuera d’augmenter
en Europe et en Chine, le Cerrado va rétrécir. »

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