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Dans les pas de Damien

Il y a un siècle et demi, le 10 mai 1873, le père s’est rendu pour la première fois à Molokai. Pour beaucoup, le prêtre missionnaire Belge est un héros. Mais qui était vraiment Damien ? Et comment pouvons-nous cheminer avec lui aujourd’hui ? Nous avons demandé à l’historien Ruben Boon, qui travaille au Musée Damien à Tremelo, de nous éclairer.

Le père Damien a vécu il y a deux siècles. Pourtant, il continue d’inspirer les gens du monde entier aujourd’hui. Damien, le héros et saint est largement connu et célèbre. Cependant, selon ses amis et connaissances, il était très modeste et ne montrait aucune allure de star. Si nous voulons vraiment découvrir comment Damien peut encore nous inspirer et marcher avec nous aujourd’hui, nous devons apprendre à mieux connaître Damien en tant que personne. Au fil des ans, la vision de ce Damien ‘humain’ a été assombrie par l’image dominante que nous avons de lui : un héros et un saint. Quand on écoute Damien et surtout les voix de tous ceux qui ont vécu et travaillé avec lui, on rencontre une personne spéciale. Allons dans les pas de Damien…

PRIER ET TRAVAILLER


Statue de Damien dans la basilique Notre-Dame de Montaigu

Nous commençons à Ninde, hameau de Tremelo (entre Louvain et Aerschot). Damien, alias Jozef (Jef) De Veuster, y est né le 3 janvier 1840, benjamin d’une famille de huit enfants. Le père et la mère De Veuster avaient une ferme et un commerce de céréales. La famille était aisée et n’avait pas à souffrir de la faim. Mère De Veuster lisait régulièrement la vie des saints et transmettait à ses enfants la foi catholique, avec toutes les dévotions. Elle leur a montré qu’il faut aider les personnes en détresse. À cette époque, les mendiants venaient régulièrement à la porte. Maman était là pour eux. Prier et travailler, c’était le plus important. Ce travail renvoyait au labeur de la terre ou au commerce des céréales, mais certainement aussi aux « bonnes oeuvres ».

Jef a vu deux soeurs et un frère choisir une vie religieuse. Il est resté à la maison après l’école primaire pour aider à la ferme. Le jour de Noël 1858, il convainquit ses parents qu’il ne pouvait reprendre l’exploitation agricole et céréalière, car Dieu l’appelait à un autre « travail ». Il voulait suivre son frère et ses deux soeurs.

MISSIONNAIRE ET PRÊTRE

À 19 ans, Jef rejoint les pères des Sacrés-Coeurs à Louvain, tout comme son frère. Il a reçu un nouveau nom : Damien. Son frère avait été désigné pour aller à Hawaï en tant que missionnaire, mais tomba malade et Damien fut autorisé à le remplacer.

Le 19 mars 1864, il arrive dans les îles hawaïennes. Après un cours accéléré d’hawaïen et son ordination à Honolulu, l’évêque l’envoya dans la zone de mission sur l’île d’Hawaï. Damien y fit tout ce qu’un prêtre missionnaire faisait à cette époque : baptiser, catéchiser, célébrer l’eucharistie, organiser des processions, construire des chapelles, etc. Son district de mission était très vaste, mais il faisait tout ce qu’il pouvait pour être proche des gens et les visiter. Il a mangé avec eux, a écouté leurs histoires, a partagé leurs joies et leurs peines.

CHEZ LES LÉPREUX

Ainsi, il a vu comment la lèpre et la politique d’isolement du gouvernement ont fait de nombreuses victimes et laissé de profondes blessures dans la société hawaïenne. Il voulait aider mais se sentait impuissant. Au fil des ans, de solides amitiés s’étaient nouées entre Damien et ses paroissiens hawaïens. Les gens lui ont demandé de l’aide. On aide les gens dans le besoin, c’est ce qu’il avait appris.

Il s’est porté volontaire auprès de l’évêque pour aider dans la colonie de lépreux de Molokai, où toutes les personnes atteintes de la lèpre étaient séquestrées, séparées de façon permanente de leurs familles et amis. Il y arriva le 10 mai 1873 et y resta près de seize ans jusqu’à sa mort le 15 avril 1889.

Des représentants du gouvernement dirigeaient la colonie. Damien était en fait là pour aider les catholiques. Cependant, selon son habitude, il alla rendre visite à tout le monde. Il a surmonté sa peur de la contamination, a mangé dans le même bol, soignait les blessures… Il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas parler et prêcher au sujet d’un « Dieu qui est amour » alors que les gens mouraient de faim et de privation. Ce fut encore une question de prière et de travail.

OHANA, MALAMA, ALOHA

À partir de sa foi et de sa mission, Damien, à Molokai, a mis ses talents au service de tous, sans distinction. Il n’a pas seulement fait cela en relation avec de nombreuses personnes, il s’est associé aux résidents de la colonie de lépreux. Ensemble, ils ont tout fait pour améliorer la qualité de vie : un meilleur logement, suffisamment de nourriture et de boisson, des vêtements convenables, des soins médicaux, du jeu et du temps libre…

Damien n’était pas le seul ‘héros’ de la colonie de lépreux. Il y avait aussi de nombreux autres héros hawaïens. Damien se sentait comme l’un d’entre eux. Il a été accepté et approuvé par les Hawaïens (malades) en tant que missionnaire blanc parce qu’il parlait leur langue et pratiquait trois valeurs hawaïennes de base. Dans les liens familiaux qu’il entretenait avec chacun, les Hawaïens voyaient leur valeur d’ohana (famille). Dans l’attention et le respect qu’il portait à chacun, les Hawaïens reconnaissaient la malama (attention). Dans son amour et sa solidarité radicales qui surmontent la peur de la contamination, les Hawaïens ont vu l’aloha (amour).

POUR TOUT LE MONDE

C’est justement là que réside l’actualité et l’inspiration permanente de Damien. Il était humain dans l’âme. Il avait sa personnalité, son caractère, ses croyances, ses préjugés, ses talents et ses défauts. Cependant, il ne s’est pas laissé enfermer en lui-même. La rencontre de ses semblables en Europe et surtout à Hawaï l’a profondément changé. Il s’est laissé toucher par les personnes en détresse. Il savait de par son éducation (religieuse) ce qu’il devait faire : la prière et les bonnes oeuvres. Inspirez-vous, prenez soin de vous pour travailler ainsi et prenez soin des autres. Sur la base de sa foi et de sa mission, il a utilisé ses talents pour tout le monde, sans distinction de religion ou de culture. Les valeurs hawaïennes d’appartenance, d’attention, de respect, d’amour et de solidarité étaient au coeur de sa vie. Ce sont des valeurs universelles qui restent actuelles.

Après cette rencontre avec Damien, sommes-nous prêts aujourd’hui à marcher dans ses pas et à incarner ces valeurs dans notre monde d’aujourd’hui ?

Ruben Boon
info@damiaanvandaag.be

Visitez également le musée Damien à Tremelo.
Plus d’infos : damiaanmuseum.be/fr

Cet article est paru dans l’édition de mai-juin de notre revue Marie, médiatrice et reine. Vous voulez lire plus? Prenez un abonnement d’essai gratuit!

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