Pourquoi les gens vont-ils en pèlerinage ?

Pourquoi les gens partent-ils en pèlerinage ? Pourquoi choisissent-ils de quitter leur « zone de confort » et de se rendre dans un sanctuaire chez nous ou à l’étranger ?

Un passage du Nouveau Testament qui me tient à cœur est celui des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35). Dans ce dernier chapitre de l’Évangile de Luc, nous rencontrons deux disciples de Jésus. Ils ont célébré la Pâque à Jérusalem et ils parlent de ce qui s’est passé : l’épreuve injuste de Jésus, sa mort horrible, le tombeau vide… Jésus marche avec eux depuis peu en direction d’Emmaüs, sans qu’ils se rendent compte que c’est Lui.

Dans le deuxième livre de Luc, les Actes des Apôtres, les premiers chrétiens sont appelés « adeptes de la Voie ».La foi en Jésus-Christ les met en mouvement. Ils deviennent les « gens de la Voie ». Soit dit en passant, un théologien néerlandais note que les croyants d’aujourd’hui semblent être davantage « les gens de la chaise ». Il veut dire, bien sûr, que nous devons être en route, sortir dans les rues et proclamer la Bonne Nouvelle.

Celui qui part en pèlerinage devient littéralement un homme de la route. Mais pourquoi les gens vont-ils en pèlerinage ? L’été passé, j’ai pris la route à pied avec quinze autres personnes, vers la basilique de Montaigu (Scherpenheuvel, en Brabant flamand). Au cours d’un tel voyage, on s’abandonne à la route. Il faut se lever très tôt – à cinq heures du matin, les rues de mon village étaient encore sombres lorsque nous commencions à marcher.

À vrai dire, pour faire 30 kilomètres, il est beaucoup plus confortable de prendre la voiture. Les premiers kilomètres à pied se déroulent sans problème mais par la suite, la fatigue se fait sentir, puis la faim et surtout la soif. Quelqu’un dans le groupe n’arrête pas de bavarder ; un autre s’énerve parce qu’il veut prier en silence. Et à midi, le soleil brûle sans pitié…

NOTRE VIE EN MINIATURE

Alors pourquoi les gens entreprennent-ils un pèlerinage ? Au Moyen Âge, des fidèles ne se rendaient pas seulement en pèlerinage pour augmenter leur dévotion, écrit le philosophe français Frédéric Gros :
« Partir pouvait constituer aussi une expiation pour des fautes graves. Marcher devenait un châtiment… Simplement endurer de longs mois de la pluie, le froid, le vent devenait un calvaire. »

Un pèlerinage est notre vie en miniature. Sur le chemin d’Emmaüs, on pense parfois que tout est fini. Mais le Seigneur marche avec nous. Il reste à nos côtés.

Cela nous fait réfléchir, mais n’explique pas tout. Quand nous partons en pèlerinage, nous sommes comme les pèlerins d’Emmaüs de saint Luc. Les deux disciples qui viennent de Jérusalem sont découragés. Comme ils le disent à l’étranger qui les accompagne, ils avaient espéré que Jésus serait le grand rédempteur d’Israël. Mais voyez : Il a été condamné à mort et crucifié. Trois jours plus tard, tout espoir est perdu. S’Il est encore en vie, comme le prétendent certaines femmes, où est-Il ?

Un pèlerinage est notre vie en miniature. Sur le chemin d’Emmaüs, on pense parfois que tout est fini. Qu’il ne vaut plus la peine de croire en Lui. Mais le Seigneur marche avec nous. Il reste à nos côtés même lorsque nous ne Le reconnais-sons pas.

VOIR, SENTIR, HUMER DIEU

N’importe quel lieu peut être la destination d’un pèlerinage, et pourtant il y a certains lieux – des lieux saints – qui ont une attraction particulière pour les pèlerins catholiques: Lourdes, bien sûr, mais aussi le tombeau du saint apôtre Pierre à Rome, des endroits en Terre Sainte, etc.Nous sommes donc allés à Montaigu, et c’est un endroit qui, pour moi, est entouré de souvenirs de ma jeunesse.

Enfant, j’allais souvent avec mes grands-parents le dimanche chez ‘Ons Lievevrouwke’. Ce voyage s’est toujours déroulé selon le même scénario : d’abord brûler un cierge dans la basilique et dire un prière, puis passer aux échopes où grand-père m’achetait un sachet de bonbons ou un moulin multicolore, et nous terminions avec des crêpes ou une gaufre au café Saint-Joseph ou à L’œil du Christ.

Dieu est transcendant et dépasse notre imagination. Mais nous sommes des êtres humains, et nous voulons nous servir de nos sens : nous voulons voir, entendre, sentir, humer Dieu… Le palper.

Des pèlerins arrivant à Montaigu

Vous connaissez sans doute l’expression « le cœur est près de l’estomac ». Un de mes amis, hollandais et protestant, a été choqué quand je l’ai emmené à Montaigu. Il me disait : « Chez vous, les catholiques, non seulement l’amour, mais aussi la foi passent par l’estomac ! »

Pourquoi est-ce que je vous dis cela ? Le cardinal Danneels disait qu’à Montaigu et à d’autres endroits, la foi passe par « les mains et les pieds ». Il y a du vrai. L’image que nous nous faisons du Seigneur n’est
« que » image. En vérité Il est transcendant et dépasse notre imagination. Mais nous sommes des êtres humains, et nous voulons nous servir de nos sens : nous voulons voir, entendre, sentir, humer Dieu… Le palper.

ELLE VOUS ÉCOUTE

C’est pourquoi nous cherchons des lieux où nous pensons Le trouver : des lieux saints, comme Compostelle ou Vézelay, où tant de gens sont allés ayant des attentes semblable aux nôtres ; des lieux saints où on peut faire l’expérience d’une guérison moyennant la foi – alors nous parlons de « miracles ».

Je pense surtout aux lieux de pèlerinage marial. Lorsque, enfant, je rentrais de l’école à la maison mal à l’aise (un mauvais test, une bagarre avec un camarade de classe…) – cela se passait toujours comme ça : je jetais mon sac à dos dans un coin, je m’asseyais à la table de la cuisine et maman s’occupait de moi. Pas besoin de paroles, un seul regard lui suffisait pour comprendre avec quoi je luttais.

N’est-ce pas la même chose dans un lieu de pèlerinage marial ? Vous vous sentez chez vous. Vous pouvez laisser là votre sac à dos avec tous vos soucis. Marie, la mère de Jésus et notre mère, vous écoute. Vous n’avez même pas besoin de dire quoi que ce soit. Comme quelqu’un le fait remarquer : « La dévotion mariale se situe au niveau du cœur. À ce niveau, peu de mots sont nécessaires, c’est le silence. »

C’est peut-être pour cela qu’il fait toujours calme du côté des bougies devant la basilique de Montaigu ou à la chapelle des apparitions à Banneux, même quand il y a beaucoup de monde – comme chaque année au mois de mai, quand 6000 (!) catholiques vietnamiens affluent de toute l’Europe vers Banneux, le lieu de naissance de Mariette Béco et l’endroit des apparitions de Marie en 1933.

DE SANCTUAIRE À SANCTUAIRE

Enfin, je voudrais partager avec vous mes trois principaux lieux de pèlerinage en Belgique. En troisième position se trouve Moresnet-Chapelle, au nord-est de la province de Liège. Depuis 1750, dans ce hameau de la commune de Plombières, on vénère une statue miraculeuse de la Sainte Vierge, et au début du 20ème siècle, les pères franciscains y ont construit un impressionnant chemin de croix près de la chapelle de Notre-Dame.

Le long d’un sentier légèrement en pente, bordé de centaines de fleurs et d’arbustes, dans des grottes en pierre naturelle sont représentées les stations de la Via Dolorosa. Je vais régulièrement à Moresnet en faisant un crochet par Aix-la-Chapelle avec sa cathédrale dédiée à la Vierge. D’ailleurs, chaque semaine, un groupe de croyants d’Aix-la-Chapelle traverse la forêt jusqu’à Notre-Dame de Moresnet.

Le long d’un sentier légèrement en pente, bordé de centaines de fleurs et d’arbustes, dans des grottes en pierre naturelle sont représentées les stations de la Via Dolorosa.

En deuxième lieu il y a l’ermitage de Bolderberg, en Campine limbourgeoise. C’est l’un des derniers ermitages habités de notre pays. L’ermitage – en fait une chapelle de Lorette avec un petit ermitage à côté – se trouve à quelques minutes du circuit de Formule 1 à Zolder, et pourtant il y fait toujours calme. Si vous voulez visiter la chapelle, il faut faire de la marche. Vous devrez laisser la voiture dans le village de Bolderberg, puis suivre un chemin de sable jusqu’au au sommet de la colline. Devant l’ermitage se trouve un crucifix où les pèlerins déposent une pierre rapportée de chez eux ou ra-massée en cours de route.

Et puis en premier lieu… il s’agit de plusieurs lieux : nos églises dominicales. J’entreprends tous les dimanches un pèlerinage de 4 kilomètres –généralement en voiture, c’est vrai, mais il y a les pavés qui évoquent un cheminement… – jusqu’à Saint-Remy-Geest. C’est mon lieu de pèlerinage préféré parce que j’y trouve une église accueillante, une petite assemblée croyante et priante, et donc une trace de Dieu.

Saint-Remy-Geest avec son église du XVIIIème

Glenn Geeraerts

Cet article est paru dans l’édition de février de notre revue Marie, médiatrice et reine. Vous voulez lire plus? Prenez un abonnement d’essai gratuit!

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