Marie, souffrante par amour

par Père Jos Van den Bergh, s.m.m.

Comment gérer la souffrance de quelqu’un que vous connaissez bien ?
En ce moment, un de mes proches souffre de plus en plus de « brouillard dans sa tête », ce n’est pour moi plus une question sans engagement. Eh bien, que faites-vous lorsque vous voyez un ami ou un membre de votre famille souffrir ?

Cela va vous arriver : vous êtes emmené au service des urgences parce que quelque chose cloche. Mais vous ne savez pas ce qui se passe. Plusieurs examens se succèdent. Le cerveau bourdonne, comme si une guêpe s’était trompée de direction et continue de tourner dans la tête. Et vous ne pouvez plus penser clairement. On vous demande toutes sortes de choses, mais les réponses ne viennent pas. Vous dites n’importe quoi. Vous vous rendez compte au fond de vous que vous donnez l’impression de ne plus être capable de bien réagir. Il y a un court-circuit quelque part dans la tête…

Un combat intérieur
Cela arrive à tant de personnes qui souffrent d’une forme de déficience cognitive. Et les gens sont vite là pour juger, car un trouble cognitif vous dirige rapidement vers la psychiatrie. Vous, vous menez un combat intérieur, parce que vous ne voulez pas être considéré ainsi. Le terme psychiatrie est encore aujourd’hui perçu négativement et on vous place rapidement dans la catégorie des personnes qui ne peuvent plus se prendre en charge, qui doivent être internées, car elles ne sont plus adaptées à la société ou vice versa.

Cela arrive à tant de personnes. Tant d’hommes et de femmes en font l’expérience, de sorte que beaucoup de personnes y sont impliquées, elles n’ont pas de choix. Lorsque quelqu’un ne se souvient plus du nom d’un être cher ou oublie facilement qu’il a un rendez-vous, il commence rapidement à penser : est-ce que je souffre de la maladie d’Alzheimer ? Ou ai-je les premiers signes de démence ? Et puis la réponse est : peut-être oui, peut-être pas.

L’impuissance ?
On commence à se poser de plus en plus la question du fonctionnement de son cerveau. Le souvenir de personnes qui ne sont plus autonomes ou d’autres qui semblent être absentes alors qu’elles sont assises à côté de vous, vous vient à l’esprit. Peut-être des cas pires encore. Y a-t-il une souffrance plus grande que de tourner en rond dans la tête, réalisant que cela ne va plus ? Vous êtes en train de bourdonner, pensée après pensée dans votre esprit.

Comment réagir lorsqu’un enfant ou un partenaire se recroqueville de douleur ? Que faites-vous lorsque les médecins n’ont pas de solution et que vous-même êtes impuissants ?

Je m’imagine que c’est terrible, même s’il ne s’agit pas de mon cas personnel. Je décris la situation parce que j’y suis confronté. Ce sont de grandes souffrances et comment réagit-on ? Comment les gérer? Comment gérer la mort soudaine d’un frère ou d’une soeur ? Que faire lorsqu’à l’hôpital, après avoir fait des examens, on vous annonce une maladie grave ? Comment réagir lorsqu’un enfant ou un partenaire se recroqueville de douleur ? Que faites-vous lorsque les médecins n’ont pas de solution et que vous-même êtes impuissants ?

Comment Marie a souffert
Pour autant que nous le sachions, le coeur de Marie, la mère de Jésus, a été blessé à plusieurs reprises. Par rapport à elle, les évangélistes citent des situations concrètes semblables à ce qui peut nous arriver à tous. On vient lui dire que l’on se pose des questions par rapport à son fils à l’oeuvre. On dit même qu’Il commence à devenir fou, qu’Il prêche toutes sortes de choses qui font plaisir à beaucoup, mais qui font peur à d’autres.

Il y a de l’agitation à Capharnaüm, où Il se trouve actuellement avec des amis. Marie s’y rend au plus vite car elle veut voir ce qui se passe avec son fils. C’est un si bon garçon, Il a trouvé des amis avec qui il circule en faisant le bien. C’est au moins ce qu’on dit, mais apparemment tout le monde ne le comprend pas. Pourtant, Il ne fait que du bien, et Il a le don de la parole.

De fait, certains sont très mal à l’aise. À cause de son succès, ils perdent l’autorité sur le peuple. Ils préfèrent qu’Il parte au lieu d’arriver. Ils n’aiment pas écouter son fils qui a appris de son père comment se comporter correctement et être honnête, comment interpréter les choses et les faire comprendre aux autres. À la maison, Il écoutait attentivement quand nous parlions de l’histoire de notre peuple.

Persister dans l’amour
Comme vous pouvez le voir, j’essaie de faire preuve d’empathie et d’entrer en contact avec ce que vit une mère qui s’appelle Marie, mais qui traverse ce que vivent de nombreux mères et pères. Qu’est-ce que cela signifie pour nous lorsqu’elle agit et ne reste pas inactive lorsqu’on lui parle de son fils ? Elle part, parce qu’elle veut savoir et voir de ses propres yeux.

Ce que j’apprends de cette mère, Marie, c’est sa persévérance, sa persistance dans l’amour.

Elle veut le serrer dans ses bras et sentir que malgré tout Il va bien. Elle obtient une réponse très difficile et quelque peu brutale de Lui-même lorsqu’Il demande à haute voix : « Qui est ma mère ? » Mais elle l’ignore, parce qu’elle sait ce qu’Il veut dire. Elle réalise aussi que les circonstances ne sont pas faciles pour Lui, et qu’Il doit être un peu fatigué.

Ce que j’apprends de cette mère, Marie, c’est sa persévérance, sa persistance dans l’amour. Quoi qu’il arrive, elle continuera à aimer son fils. Parce qu’elle Le connaît et Lui fait confiance, parce qu’elle arrive à relier ses paroles et ses actes. D’après elle, on ne Le comprend pas. Elle compatit, Il est le sang de son sang. Depuis des années, elle sait qu’il y a bien plus que ce qui est visible aujourd’hui. Elle sent qu’Il fera de grandes choses, elle le savait depuis longtemps, déjà avant sa naissance.

Bienvenue au Petit Lourdes

Alors que bon nombre d’églises voient leurs portes cadenassées dans notre milieu, certains lieux de prière expérimentent encore la chaleur et les va-et-vient des pèlerins qui viennent s’y ressourcer et y approfondir leur foi. Dans ces quelques lignes, nous tourneront nos yeux sur ‘Le Petit Lourdes’, un modeste sanctuaire mais attirant se trouvant à Bassenge dans le diocèse de Liège.

Malgré la fermeture des églises à plusieurs endroits, une nouvelle et belle chapelle y a vu le jour. Une interview avec le recteur – qui préfère comme titre « le jardinier » du sanctuaire – le révérend Abbé Lucien Vanstipelen.

Abbé Lucien dans la chapelle du sanctuaire

Mmr : Quelle est l’historique de ce lieu de prière, ‘Le Petit Lourdes’ ?

Abbé Lucien : Le paisible domaine de prière et de paix ‘Le Petit Lourdes’ a vu le jour vers la fin du 19ème siècle. À la mort de Bernadette Soubirous, en 1879, le curé de Bassenge François Nouwen, promoteur de la dévotion à Notre-Dame de Lourdes dans sa paroisse, à qui il attribue une guérison spectaculaire, décide de construire une grotte semblable à celle de Massabielle. En 1895, deux chemins ont été traces dans la colline verdoyante abritant la grotte et 15 chapelles représentant les mystères du Rosaire, puis quelques chapelles de saints y furent ajoutées. En plus du Rosaire, en 1905 un chemin de croix fut érigé dans la colline avec des stations marquées de grandes croix formées de troncs de chêne d’abord, et ensuite construites en briques abritant de remarquables bas-reliefs.

Pour permettre les célébrations eucharistiques au cours des quatre saisons, surtout en hiver et en temps de pluie, la nouvelle et spacieuse chapelle, construite principalement par des bénévoles et grâce à la générosité des fidèles, des entreprises et artisans de la région, fut inaugurée et bénite par l’évêque de Liège, Monseigneur Aloys Jousten, le 1er mai 2008. En 2015, Monseigneur Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, désigne ‘le Petit Lourdes’ comme un des lieux jubilaires de l’Année Sainte de la Miséricorde, initiée par le pape François. À ce titre la chapelle avait reçu une magnifique « Porte de la Miséricorde ».

En 2015, l’évêque désigne le Petit Lourdes comme un des lieux jubiliaires de l’Année Sainte de la Miséricorde

Mmr : Abbé Lucien, comment êtes-vous arrivé ici au sanctuaire, le ‘Petit Lourdes’ ?

Abbé Lucien : Je suis un fils de la région, né et grandi ici à Bassenge. J’ai fait des études de kinésithérapie et j’ai pratiqué cela pendant trois ans. J’ai été aussi conseiller communal, on a monté un groupe de théâtre… Malgré tous ces engagements, la politique et le succès professionnel, au fond de moi-même je n’étais pas satisfait de ma vie.

J’ai été élevé chrétiennement puis, comme beaucoup de jeunes à l’âge de 16-17 ans, j’ai abandonné la religion. Mais plus tard j’ai retrouvé la fraîcheur de l’évangile et j’ai découvert en moi une source, une présence, qui m’orientait vers le Christ proposant un chemin de bonheur. J’ai mis mes pas sur le chemin des béatitudes, et j’ai constaté qu’effectivement c’est un chemin de bonheur ne cherchant pas vouloir être le plus grand, le plus fort, le plus riche, paraître, mais d’être simplement soi-même, pas plus.

La grotte de Lourdes à Bassenge

Mmr : Ensuite vous avez répondu à l’appel du Seigneur.

Abbé Lucien : Oui, j’ai arrêté mon travail de kiné pour devenir séminariste-ouvrier en travaillant avec l’équipe des prêtres-ouvriers à Liège sur les chantiers de construction. Après avoir suivi des cours au séminaire de Namur, j’ai été ordonné prêtre. Au cours des cinq ans de statut de prêtre ouvrier, eut lieu le licenciement de l’entreprise. En voyant mes copains ouvriers licenciés, j’étais fâché et, avec eux, sans être moi-même licencié, j’ai participé à des manifestations. Dans la foulé j’ai déchiré tous mes papiers, l’argent et tout ce que j’avais et j’ai vécu pendant cinq ans comme vagabond, sans le moindre revenu, sans papiers vivant dans une tente, plus tard dans une grotte que j’avais creusée moi-même… des années merveilleuses en pleine nature, hors du bruit du monde.

J’ai vécu pendant cinq ans comme vagabond, sans papiers, en pleine nature

Lucien Vanstipelen

Jusqu’au jour où il n’y eut plus de curé à Bassenge. Les habitants sont venu me trouver et m’ont exprimé leur souhait. Ils avaient décidé d’aller voir l’évêque et l’ordinaire du lieu qui, à leur tour, m’ont appelé. C’est ainsi que j’ai finalement accepté de devenir curé à Bassenge et puis des sept paroisses de la vallée du Geer. Après j’ai demandé de revenir ici au Petit Lourdes où j’œuvre encore actuellement comme « jardinier », un titre que je préfère par rapport à celui de recteur.

Mmr : Quel rôle jouent Marie et la grotte du Petit Lourdes dans la vie des personnes qui affluent ici, surtout pendant cette période pandémique ?

Abbé Lucien : Marie est toujours attirée par les souffrants, les malades et les gens de toute catégorie… Avec sa gentillesse et son sourire elle console les personnes qui arrivent ici humblement. En ce temps de pandémie beaucoup de personnes en quête de paix, de tranquillité, de silence et de réconfort, aiment se retirer dans ce lieu de prière. Au pied de la grotte, les gens viennent offrir à Marie leurs fardeaux, leurs intentions, leurs joies et peines pour qu’elle les présente à son Fils Jésus Christ. Ce lieu, imprégné de plus d’un siècle de prières, dégage un climat de paix et de sérénité.

Au pied de la grotte, les gens viennent offrir à Marie leurs fardeaux, leurs intentions, leurs joies et peines

Tous ceux qui n’ont pas les moyens pour se rendre à Lourdes, en France, viennent prier Marie ici à la grotte de Bassenge. Les archives mentionnent des guérisons inexpliquées. Ce qui est incontestable, c’est que de nombreuses personnes, hier comme aujourd’hui, reçoivent au ‘Petit Lourdes’ un réel réconfort moral, physique et spirituel. Depuis plus de 130 ans, ce modeste sanctuaire marial accueille des fidèles, des promeneurs, des pèlerins…

Mmr : Monsieur le « jardinier » du Petit Lourdes, il y a-t-il un programme des célébrations dans la nouvelle chapelle du sanctuaire?

Abbé Lucien : Chaque semaine il y a des célébrations eucharistiques dans notre chapelle. Nous y célébrons aussi des baptêmes, des mariages, des funérailles… La forte fréquentation de la chapelle en hiver et en temps de pluie, nous a poussé à planifier un agrandissement. Pour matérialiser ce projet, nous avons commencé les travaux en 2021. Actuellement, grâce à son développement, on est plus nombreux à participer aux diverses célébrations.

Que Notre Dame du Petit Lourdes soutienne ceux qui travaillent jour et nuit pour le bon déroulement des activités et des célébrations au sanctuaire marial de Bassenge ; qu’elle nous aide à marcher sur les pas de son Fils Jésus Christ et nous garde dans la paix.
Père Ghislain Kasereka, s.m.m.

Le domaine de la grotte et la chapelle sont accessibles toute l’année (rue Nouwen à Bassenge). Les Amis du Petit Lourdes ont publié un bel ouvrage sur le sanctuaire. Renseignements : lucien.vanstipelen@gmail.com.

Père Ghislain Kasereka et le recteur du sanctuaire, devant la grotte

La dévotion à Marie est-elle ringarde ?

Chaque mois, nous présentons une question de foi difficile à quelqu’un qui connaît le sujet. Cette fois, nous voulons savoir si le culte de Marie est encore de ce temps. Nous le demandons au père montfortain Nepo James Raj, qui exerce un ministère au sanctuaire de Montaigu.

Prier une dizaine de chapelet, brûler une bougie à l’autel de Notre-Dame ou décorer une chapelle au mois de mai : de telles expressions de dévotion mariale sont souvent déconsidérées. Pour certains, la dévotion à Marie est « quelque chose du passé », à la limite de la superstition. Le père Nepo connaît les préjugés auxquels sont confrontés les visiteurs des sanctuaires mariaux. « Quelqu’un m’a dit que dans des endroits comme Montaigu ou Lourdes, Marie prend la place de Dieu », dit-il. « Je pense que je sais comment un tel malentendu se pose.

Pour les croyants ordinaires, Dieu est inaccessible et distant. Il est ‘le Très-Haut’, comme nous le chantons dans le Sanctus. Beaucoup se sentent gênés de lui confier leurs préoccupations, comme s’ils accostaient le roi dans la rue. Ils ont besoin de Marie pour approcher Dieu. Comme le nom de notre revue le dit : Marie est notre médiatrice, elle intercède pour nous auprès de son Fils. »

Amour de mère

Père Nepo James : « On ne peut pas séparer la mère du Fils. »

Se référant au rôle de Marie en tant que médiatrice entre Dieu et les hommes, le père Nepo nous donne déjà une réponse à la question de savoir si la dévotion mariale a du sens à notre époque. Mais il y a plus : « À Montaigu, je ne vois pas seulement des visages souriants. Quand je fais la permanence à la maison des prêtres, en face de la basilique, je reçois aussi des gens qui sont à bout de souffle. Ils ont de graves problèmes financiers, se sentent impuissants, ont perdu de vue leur famille… Pour eux, Marie n’est pas seulement la mère de Dieu. Ils la voient un peu comme leur propre mère, à qui ils peuvent toujours exprimer leurs préoccupations. »

L’amour maternel est le mot clé, dit le Père Nepo : « Je viens de l’Inde, d’une société fortement patriarcale. Dans notre culture, les hommes ne montrent pas facilement leurs sentiments. Quand j’étais enfant, mon père attachait une grande importance aux règlements ; enfant câlin, pour m’expliquer, je pouvais aller à ma mère. Mes parents m’aiment tous les deux au même degré, mais montrent leur amour d’une manière différente. C’est la même chose avec le culte de Marie. Les gens veulent exprimer leur amour pour Dieu, et cette recherche se fait très souvent par la main tendue de notre mère Marie. »

Plus que de rituels

Nous examinons toutes sortes de phénomènes sociaux à travers des lunettes rationnelles. Selon le père Nepo, cela explique l’attitude suspecte de beaucoup, y compris dans l’Église, envers la croyance populaire et la dévotion à Marie en particulier. « Les gens veulent comprendre tout ce qu’ils voient et vivent. Il n’y a rien de mal à ça. Mais la foi n’est pas tout à fait raisonnable. Vous ne pouvez pas attraper Dieu comme un oiseau et le garder dans une cage. »

« Quiconque rejette le côté extérieur de la dévotion populaire comme des superstitions en ignore le sens profond », dit le père Nepo. « Que vous partiez en pèlerinage à pied ou que vous allumiez une bougie devant une statue de Marie, ces rituels font partie d’un tout plus vaste. Quand une jeune femme vient à Montaigu et allume une bougie pour ses parents malades, elle fait beaucoup plus qu’un petit geste. Elle montre qu’elle a confiance en Dieu, qu’elle l’aime ou qu’elle lui est reconnaissante. Montfort il y a trois siècles disait : pour aller à Jésus, nous devons aller à Marie. La
jeune dame dans la chapelle des cierges s’exprime sans paroles, mais moyennant quelques petits gestes. »

Père Nepo bénit deux cyclistes à Montaigu.

Foi vécue

Dans les années à venir, de nombreuses églises en Belgique seront réaffectées. Le père Nepo dit que les lieux de pèlerinage n’en viendront pas à cela : « Dans les années 1960, certains prêtres, qui n’avaient pas bien compris le Concile, ont fait retirer les statues de Marie de leur église. Les processions mariales ont été abolies. Pourtant, les croyants ont continué en masse à chercher des lieux de pèlerinage. L’amour mutuel entre Marie et le peuple est plus grand que nous ne le
pensons. »

« Si la Vierge Marie mérite une place dans notre société, cela dépend avant tout de la place que nous accordons à Jésus. On ne peut pas séparer la mère du Fils. Personne ne peut nier que de nombreuses paroisses sont en difficulté, pourtant, en Belgique, je vois de jeunes prêtres qui se lèvent et témoignent de Jésus d’une manière vécue. C’est vital, parce que si les gens ont le sentiment que la célébration eucharistique est ‘jouée comme une pièce de théâtre’, ils restent à l’écart. »

Desservant dominical à Hoegaarden, le père Nepo porte régulièrement la communion aux malades de la paroisse. « Bien sûr, je prends le temps pour une conversation, mais je remarque souvent l’inquiétude chez les gens. C’est compréhensible, parce que ce qui est dans le coeur est parfois difficile à exprimer. Il s’agit de choses qui sont souvent si douloureuses qu’ils n’osent pas les confier à qui que ce soit, pas même à un prêtre. Le fait que les gens ouvrent leur coeur à Marie montre à quel point leur foi est forte. Ils montrent aussi que la dévotion à Marie n’est certainement pas ringarde, mais a une grande pertinence. »

Louis Defives

Cet article a été publié dans notre revue Marie, médiatrice et reine de juillet-aout 2021. Découvrez notre revue ici.

Pourquoi les gens vont-ils en pèlerinage ?

Qu’est-ce qui pousse les gens à se rendre dans un lieu de pèlerinage ? Même pour les pèlerins chevronnés, c’est une question à laquelle ils doivent réfléchir longtemps. Avec l’abbé Léo Palm, recteur du sanctuaire de Banneux, nous sommes à la recherche d’une réponse.

Léo Palm, recteur du sanctuaire de Banneux

Même par un temps pluvieux printanier, on ne peut pas le nier, Banneux se trouve dans une belle région, sur la route touristique vers Spa, et on peut déjà y sentir l’air des Ardennes. Un environnement de rêve pour un sanctuaire. « Mais, ne l’oubliez pas, c’est Marie qui a choisi cet endroit » dit Léo Palm quand nous nous arrêtons devant la maison de la famille Beco. C’est ici que la Vierge Marie est apparue en 1933 à Mariette, la fille aînée de la famille, qui avait alors 11 ans.

« Les gens disent parfois que Banneux est un cadeau pour Marie, mais je préfère regarder dans l’autre sens » dit le recteur du sanctuaire. « Je sais aussi que c’est une destination populaire pour les escapades du dimanche. Pèlerinages et tourisme vont main dans la main. Mais ce n’est qu’une petite partie du récit. »

DANS LA PROSPÉRITÉ ET L’ADVERSITÉ

« Je viens soulager la souffrance. » Marie a prononcé ces paroles à la petite Mariette le 11 février 1933. Selon le recteur, Léo Palm, ce message n’a pas perdu de son actualité. « Tôt ou tard, chacun sera confronté à la souffrance. Dans un mariage, même s’il dure plus de 50 ans, il y aura toujours un des deux partenaires qui se retrouvera seul. Savoir que Marie sera toujours là, même en période
de détresse, est pour beaucoup un énorme soutien. »

Ceci peut peut-être expliquer pourquoi, depuis près d’un siècle, les gens continuent à trouver le chemin vers cet endroit où la présence de Marie est tangible. « Mariette Beco n’a pas eu une vie sans nuage » dit Léo Palm. « Elle n’a pas eu un mariage heureux, a perdu un enfant juste après sa naissance… Ensuite, le fait que la Vierge lui soit apparue, précisément à elle, a suscité bien des jalousies. Mariette m’a avoué que, lors des moments difficiles, elle repensait à la promesse que
Marie lui avait faite. »

Le 22 aout 2021, les Pèlerinages Montfort vous proposent une randonnée ‘vers la source’. Les pères montfortains Ghislain et Aimé nous accompagneront sur les petits chemins vers Banneux Notre-Dame et Tancrémont, mais surtout vers votre vie intérieure. Pour plus d’infos, appelez consultez ce page-ci.

BESOIN DE RESSOURCEMENT

La Chapelle des Apparitions et la maison de la famille Beco

Lors de sa deuxième et sa troisième apparition à Banneux, la Vierge conduit Mariette vers une source et lui dit « Cette source est réservée pour toutes les Nations… pour soulager les malades ». Ceci nous amène à un autre ‘facteur de succès’ des lieux de pèlerinages mariaux : le besoin de ressourcement. Le fait que ce besoin est très élevé apparaît clairement à partir des nombreuses lettres, e-mails et appels téléphoniques reçus au secrétariat des pèlerinages depuis l’automne. Les malades et les personnes avec un handicap restent souvent plusieurs jours à Banneux où 360 lits sont disponibles à l’hospitalité. Bien sûr, ces lits restent inoccupés depuis le début de la crise du coronavirus.

Il est aussi frappant de voir la forte attraction exercée par Banneux sur les Flamands et les Hollandais. « Durant la saison des pèlerinages, l’eucharistie est célébrée chaque jour en français, en néerlandais et en allemand » dit Léo Palm qui est lui-même parfaitement trilingue (mais trop modeste pour l’avouer). « Au moment des apparitions, en 1933, le Limbourg appartenait encore au diocèse de Liège. En conséquence, les Limbourgeois ont toujours eu une dévotion spéciale pour la Vierge des Pauvres, comme s’est nommée Marie ici. »

DE LA CORÉE DU SUD AU VIETNAM

Léo Palm est recteur du sanctuaire de Banneux depuis 2008. Assez longtemps pour voir évoluer la foule des pèlerins : « Nous accueillons ici beaucoup de francophones et de néerlandophones. Banneux est aussi très populaire auprès des Belges d’origine polonaise et italienne. Mais Banneux est devenu encore plus international ces dernières années. Je pense aux Hollandais d’origine sri-lankaise. Et aux Sud-Coréens qui font douze heures d’avion pour venir prier ici. Ils viennent en petits groupes mais, en 2018, ils étaient au total deux mille ! »

Parmi ce ‘nouveau’ public, ce sont les Vietnamiens qui remportent la couronne, dit le recteur : « Lorsque j’ai commencé à travailler ici, plusieurs dizaines de familles se réunissaient chaque année à Banneux. Entretemps, cette assemblée annuelle a grandi jusqu’à devenir une fête à laquelle participent cinq à six mille Vietnamiens. Ils viennent de toute l’Europe vers Banneux. C’est aussi une force motrice pour les pèlerins : des amis et anciennes connaissances se rencontrent sous le regard approbateur de la Vierge des Pauvres. Lorsque Marie a désigné la source à Mariette, elle a dit qu’elle était réservée pour toutes les nations. Ces mots reçoivent aujourd’hui toute leur signification. »

Glenn Geeraerts

Cet article a été publié dans notre revue Marie, médiatrice et reine de mars 2021. Découvrez notre revue ici.

La prière: Avec Marie, soyons attentifs à notre cœur

Une question souvent entendue : peut-on apprendre à prier ? Si nous voulons prier Dieu, nous devons Le chercher là où Il demeure : à l’intériorité, dans le temple de notre cœur, de notre vie. La Vierge Marie a fait cette expérience, nous explique le père Christophe Monsieur. Elle a accueilli la parole de Dieu.

Apprendre à prier est une des plus belles choses de la vie. Lorsque j’étais enfant, j’ai appris à prier avec ma maman qui, le soir lorsque mes frères et moi étions couchés, venait prier avec nous en des mots simples sortant du cœur. J’ai aussi appris à prier grâce au témoignage de Germaine, une dame âgée qui m’a aidé à participer à la prière de l’Église durant la messe. Ou au catéchisme, grâce à Sœur Thérèse et Sœur Véronique qui nous demandaient d’écrire chaque semaine une petite prière spontanée pour débuter la leçon. Aujourd’hui encore, j’entends souvent le témoignage de parents et de grands-parents qui trouvent leur bonheur à apprendre à leurs enfants et petits-enfants à prier.

LE REGARD DU CŒUR

Apprendre à prier, c’est découvrir le chemin de l’intériorité, le chemin qui mène vers le cœur. C’est là que Dieu habite et que j’aime le chercher. Christiane Singer invitait à cette démarche d’intériorité dans ce bel ouvrage : « Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? » Prier, c’est chercher Dieu dans le temple de notre cœur, de notre vie, là où Il a choisi de demeurer.

La Vierge Marie a fait, elle aussi, cette expérience. L’évangile selon Saint Luc (Lc 1, 26-38) nous en fait le récit. L’ange Gabriel fut envoyé à Marie. « Il entra chez elle » nous dit le texte, comme pour attirer notre attention sur la réalité intérieure de cette rencontre. C’est toujours de l’intérieur, avec le regard du cœur que nous aussi pouvons découvrir comment Dieu se rend présent dans nos vies.

C’est là que Marie accueille la parole que l’ange lui apporte de la part de Dieu. C’est là aussi qu’elle découvre ses craintes et ses questionnements : « Comment cela va-t-il se faire ? » La prière, c’est tout ce cheminement intérieur où j’accueille ce que Dieu vient me dire à travers les événements de la vie, et où je laisse également résonner mes questionnements, mes doutes et mes craintes. « L’Esprit Saint viendra sur toi. » Le Saint Esprit est celui qui illumine et transfigure cette réalité intérieure pour nous permettre de dire oui comme Marie : « Que tout m’advienne selon ta parole. »  

UNE ATTITUDE D’OUVERTURE

Deux choses sont rendues possibles par cette attitude d’accueil et d’ouverture en Marie : elle porte maintenant en elle le Fils de Dieu et elle se rend chez sa cousine Élisabeth. La prière a ouvert le cœur et la vie de Marie à l’imprévu de Dieu. Sa vie en devient fertile puisqu’elle donnera naissance à un fils. Sa vie en reste aussi attentive aux autres puisque Marie ira passer trois mois chez Élisabeth. Nous aussi, nous pouvons laisser transformer par la prière pour que notre vie puisse porter du fruit et nous aide à aller vers notre prochain.

L’évangile selon Saint Luc nous livre encore des éléments sur Marie qui stimulent notre prière et notre vie. Ainsi, après le recouvrement au temple, lorsque Jésus a 12 ans, l’évangile dit que Marie « gardait dans son cœur tous ces événements » (Lc 2, 51). C’est à nouveau ce chemin d’intériorité qui est ici rappelé. Marie, pauvre d’Israël, est comme son Fils, imprégnée de la grande tradition de prière de son peuple. Elle a certainement prié le psaume qui dit « Mon cœur m’a redit ta parole : cherchez ma face » (Ps 26, 8). Peut-être a-t-elle entendu aussi le livre des proverbes qui dit : « Par-dessus tout, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie. » (Prov 4, 23).

UNE SOURCE DE VIE

Marie nous apprend à veiller sur cette dimension intérieure de notre vie. Elle nous rappelle que prier avec le cœur, c’est écouter ce qui « bouge » en nous, ce qui nous occupe intérieurement : les événements, les rencontres, les situations qui nous touchent d’une manière ou d’une autre. Lorsque nous prions, tout cela ne disparaît pas mais reste bien présent en notre cœur. Et c’est de tout cela que jaillit la vie : nous découvrons comment Dieu est présent à travers tous ces événements, nous découvrons comment la prière nous aide à vivre au carrefour de la vie quotidienne et de la présence discrète en nos cœurs d’un Dieu qui nous aime.

Avec Marie, nous découvrons que Dieu a mis en nos cœurs une source de vie que nous pouvons écouter et qui transfigure notre quotidien en une intensité de communion avec Dieu et avec le train-train de chaque jour.

DEVENIR DISCIPLE DE JÉSUS

Plus loin, le même évangile nous parle d’une rencontre un peu particulière : « Une femme éleva la voix au milieu de la foule pour lui dire : ‘Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri !’ Alors Jésus lui déclara : ‘Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent !’ » (Lc 11, 27-28). On pourrait s’étonner de la réplique de Jésus. Pourtant, il attire l’attention sur quelque chose de plus important que les liens du sang : la Parole de Dieu. Et en disant cela, Il ne dénigre pas sa mère mais montre que Marie a réalisé autre chose que de nourrir Jésus : elle est devenue disciple en devenant attentive à la parole de Dieu. Elle l’a gardée dans son cœur, elle l’a écoutée et mise en pratique.

Marie est une source d’inspiration pour notre vie de prière : elle nous apprend à écouter notre cœur, à découvrir la présence de Dieu dans le concret de notre quotidien et elle nous rappelle que marcher à la suite de Jésus, c’est garder la parole dans notre cœur et la mettre en pratique par une vie juste et fraternelle, au service de Dieu et de notre prochain.

Christophe Monsieur, o. praem.

Cet article a été publié dans notre revue Marie, médiatrice et reine d’octobre 2020.